Le titre Intel a perdu plus de 8 % en séance vendredi 25 avril, après l’annonce de prévisions décevantes pour le trimestre à venir. Malgré les ambitions affichées par le nouveau PDG Lip-Bu Tan, le fabricant américain de semi-conducteurs continue de payer des années de décisions stratégiques mal orientées, qui l’ont laissé à la traîne face à la concurrence, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA).
Une industrie de l’IA dominée par Nvidia
Intel accuse un retard technologique important dans le secteur des GPU et des puces optimisées pour l’IA, un marché aujourd’hui largement dominé par Nvidia. Alors que l’industrie des semi-conducteurs bénéficie de l’explosion des besoins en calcul pour l’apprentissage automatique, Intel peine à imposer une alternative crédible aux solutions GPU de ses concurrents.
Historiquement, la société a misé sur des acquisitions externes pour tenter de combler son retard. L’exemple le plus notable reste Mobileye, spécialisé dans la conduite autonome. Mais ces choix n’ont pas permis à Intel de prendre pied dans l’IA au même niveau que ses rivaux. Pour Anshel Sag, analyste chez Moor Insights & Strategy :
« Intel aurait dû développer sa propre solution interne. Au lieu de cela, l’entreprise a tenté de racheter son retard, sans succès. »
Un plan de redressement flou
Nommé récemment à la tête du groupe, Lip-Bu Tan entend relancer la dynamique d’innovation d’Intel. Lors de la présentation des résultats, il a évoqué un recentrage stratégique sur l’ingénierie de base, la réduction des coûts administratifs et des suppressions d’emplois. Mais les analystes restent prudents :
« Changer de cap chez Intel, c’est comme tourner un cuirassé. Cela ne peut pas se faire en un claquement de doigts », commentent les équipes d’Evercore ISI.
Par ailleurs, J.P. Morgan souligne que le PDG n’a pas donné suffisamment de détails concrets sur sa stratégie pour redonner à Intel une position de leader dans la fabrication ou attirer davantage de clients pour sa division fonderie.
Une situation complexifiée par la guerre commerciale
La tension commerciale entre les États-Unis et la Chine fragilise encore davantage la position du fondeur. Si certains clients ont avancé leurs commandes pour constituer des stocks par crainte d’aggravation des relations entre Washington et Pékin, l’incertitude reste forte sur la demande à court terme.
Intel conserve une forte implantation en Chine, ce qui pourrait jouer en sa faveur si Pékin décide d’assouplir certaines restrictions sur les importations américaines. Mais la volatilité de ces relations internationales ajoute un facteur de risque supplémentaire.
Une valorisation sous pression malgré des performances contrastées
Fait notable : malgré cette chute récente, l’action Intel affiche encore une progression de 7,2 % depuis le début de l’année, mieux que ses concurrents Nvidia et AMD, tous deux en recul de près de 20 %. Cependant, Intel reste valorisé avec un ratio cours/bénéfices élevé de 31,37, contre 22,70 pour Nvidia et 19,24 pour AMD, ce qui interroge sur la soutenabilité de cette valorisation sans inflexion claire de sa stratégie.
Le défi pour Intel est donc double : reprendre la main sur l’innovation technologique, notamment sur les architectures GPU et les solutions IA, tout en rassurant les marchés sur sa capacité à exécuter sa feuille de route industrielle.