La bataille autour du navigateur web Edge de Microsoft prend une nouvelle tournure avec des accusations formulées par trois navigateurs rivaux et un groupe de développeurs Web. Ces derniers estiment que la stratégie de Microsoft, qui consiste à imposer Edge par défaut sur Windows, lui confère un avantage concurrentiel déloyal, ce qui devrait attirer l’attention des régulateurs antitrust de l’Union européenne (UE).
Dans une lettre adressée à la Commission européenne, les entreprises Vivaldi, Waterfox, Wavebox, ainsi que le groupe de défense des développeurs Open Web Advocacy, appellent à une application plus stricte de la loi sur les marchés numériques (DMA). Ils soutiennent que la position dominante d’Edge dans l’écosystème Windows viole l’esprit de cette réglementation et prive les utilisateurs d’un choix équitable.
La loi sur les marchés numériques : un outil pour la concurrence
La DMA, introduite en 2023 par la Commission européenne, vise à encadrer les pratiques des grandes entreprises technologiques en établissant des règles destinées à garantir une concurrence loyale. Elle impose aux entreprises considérées comme des « gardiens » de plateformes clés, c’est-à-dire des passerelles permettant aux entreprises d’atteindre les consommateurs, de respecter une série d’obligations destinées à préserver le choix des utilisateurs.
Pour les signataires de la lettre, Microsoft ne respecte pas pleinement cet esprit de concurrence. Ils soulignent que Edge est systématiquement installé et défini comme navigateur par défaut sur les ordinateurs Windows, ce qui lui confère une position dominante et rend difficile pour les utilisateurs de choisir une alternative. Selon eux, aucun navigateur indépendant ne peut rivaliser avec cette stratégie de distribution massive.
Un challenge juridique déjà initié par Opera
Cette lettre intervient quelques mois après que Opera, une autre entreprise norvégienne spécialisée dans les navigateurs web, a poursuivi Microsoft devant la justice européenne en juillet dernier pour des raisons similaires. Opera reproche à la Commission européenne d’avoir exempté Edge de certaines exigences de la DMA, notamment celles qui permettraient une plus grande facilité de désinstallation de l’application.
Les plaignants, Vivaldi et ses alliés, se joignent donc à ce combat en soulignant que les pratiques de Microsoft créent un environnement déséquilibré. Ils appellent à une réévaluation de la décision de la Commission, dans l’espoir que celle-ci impose des mesures plus restrictives à Microsoft.
L’impact sur les navigateurs concurrents et les utilisateurs
L’un des aspects clés des critiques formulées concerne les messages contextuels sur Edge, qui, selon les plaignants, dénigrent ou dénaturent les fonctionnalités des navigateurs concurrents. Ces notifications, présentées lors de tentatives de téléchargement d’un autre navigateur, seraient perçues comme des obstacles supplémentaires à la liberté de choix pour les utilisateurs. Cela, combiné à l’imposition par défaut d’Edge, réduit significativement les chances des navigateurs indépendants de gagner des parts de marché.
En dépit de cette critique, la part de marché mondiale d’Edge reste modeste, représentant un peu plus de 5 %. En comparaison, le navigateur Chrome de Google, principal leader du marché, domine avec une part de 66 %, selon les données de StatCounter. Cependant, Vivaldi et ses partenaires affirment que l’influence de Microsoft, grâce à l’intégration d’Edge dans Windows, fausse les conditions de concurrence et limite les options des utilisateurs, en particulier pour ceux moins avertis sur la possibilité de changer de navigateur.
Les conséquences potentielles de cette mesure
Si la Commission européenne décidait de répondre aux revendications des concurrents de Microsoft, cela pourrait avoir des conséquences importantes. Tout d’abord, cela pourrait forcer Microsoft à revoir la manière dont Edge est intégré dans Windows, en offrant davantage de transparence et de choix aux utilisateurs lors de la configuration de leur ordinateur.
Une telle décision pourrait également stimuler l’innovation sur le marché des navigateurs, en donnant aux alternatives comme Vivaldi, Waterfox ou Opera une chance plus équitable de se faire connaître et de rivaliser avec des géants comme Microsoft et Google.
Enfin, cette mesure pourrait renforcer la protection des droits des consommateurs. En facilitant le choix de logiciels et en évitant les pratiques monopolistiques, les utilisateurs auraient davantage de pouvoir sur les outils qu’ils choisissent pour naviguer sur Internet.
Une bataille en pleine expansion
Dans un contexte où la réglementation des Big Tech devient de plus en plus un sujet brûlant en Europe, cette affaire pourrait marquer un tournant dans la façon dont les régulateurs abordent les pratiques des grandes entreprises technologiques. La Commission européenne devra décider si Microsoft a effectivement utilisé sa position de force de manière déloyale, ou si l’intégration d’Edge dans Windows est simplement une stratégie légitime d’un acteur majeur du marché.
Quoi qu’il en soit, cette lettre ouvre un nouveau chapitre dans le combat pour l’équité sur le marché des navigateurs, et pourrait bien conduire à des changements importants pour les utilisateurs de Windows et d’autres plateformes.