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L’activité cloud d’Amazon au pied du mur : enjeux, problématiques et perspectives

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Les résultats du quatrième trimestre d’Amazon sont particulièrement attendus par les investisseurs et les observateurs de la technologie. En cause : les performances récentes jugées décevantes de Microsoft Azure et Google Cloud, qui ont ébranlé la confiance du marché dans le secteur du cloud computing et, plus largement, dans les énormes investissements consacrés à l’intelligence artificielle (IA). Au cœur des préoccupations, une question : Amazon Web Services (AWS), division cloud phare d’Amazon et leader mondial du secteur, parviendra-t-elle à tirer son épingle du jeu et à afficher une croissance rassurante ?

Depuis deux ans, les grandes entreprises technologiques (Big Tech) ont vu leurs actions grimper, portées par l’idée que les besoins massifs en centres de données pour l’IA allaient soutenir de lourds investissements sur le long terme. Cependant, l’annonce de la startup chinoise DeepSeek, qui affirme avoir réalisé des avancées majeures en IA à un coût bien inférieur à celui des géants occidentaux, a ébranlé ces certitudes. Microsoft et Google, ayant tous deux présenté des chiffres et des perspectives décevantes, ont d’ailleurs dû défendre leurs stratégies d’investissements en IA. Qu’en sera-t-il d’Amazon, qui doit concilier la montée en puissance de ses dépenses dans l’IA et la nécessité de rassurer le marché ?

AWS sous le regard attentif des investisseurs

Microsoft et Google, respectivement deuxième et troisième acteurs du cloud, ont récemment publié des résultats ternes pour leurs divisions Azure et Google Cloud. Ils ont également annoncé des plans d’investissement en intelligence artificielle supérieurs aux attentes du marché, ce qui a fait grimper leurs dépenses en capital (capex). Résultat : les investisseurs, inquiets d’un ralentissement de la croissance alors même que les coûts explosent, ont sanctionné ces sociétés en Bourse. Alphabet (maison mère de Google) a notamment vu son action chuter de 8 % après avoir dévoilé des dépenses plus élevées que prévu.

L’effet DeepSeek

Dans le même temps, la startup chinoise DeepSeek a déclaré avoir réalisé des percées significatives en IA, permettant de développer des modèles plus performants et moins coûteux que ceux des grands groupes. Cette annonce a jeté un doute sur l’hypothèse selon laquelle seule la puissance financière de Big Tech assurerait la suprématie dans le domaine de l’IA. Les experts estiment que cette nouvelle donne pourrait en partie expliquer la récente correction des valeurs technologiques, en plus du simple phénomène de prise de bénéfices.

Les attentes pour Amazon

À présent, toute l’attention se porte sur AWS. Selon les données compilées par LSEG (London Stock Exchange Group), Amazon Web Services devrait afficher une augmentation de revenus de 19,3 % pour le quatrième trimestre – ce qui représenterait sa plus forte croissance depuis huit trimestres. Dans un climat d’incertitude, cet objectif ambitieux est analysé à la loupe par les investisseurs. Sera-t-il tenu ? Certains analystes, comme Dave Wagner d’Aptus Capital Advisors, estiment que « si Amazon parvient à dépasser ces attentes, le marché accueillera la nouvelle avec un enthousiasme certain ».

Les avantages compétitifs d’Amazon dans l’IA

Contrairement à Microsoft (partenaire d’OpenAI) et Google (Bard, PaLM), Amazon est moins directement engagé dans la course aux grands modèles de langage (Large Language Models) qui exigent des infrastructures gigantesques et des coûts d’entraînement faramineux. AWS se positionne plutôt comme un fournisseur d’infrastructures et de services clés en main pour des entreprises de toute taille, y compris celles développant des IA spécialisées. Cette stratégie pourrait se révéler plus rentable à court terme, car elle évite l’écueil d’investissements massifs dans des modèles dont la rentabilité n’est pas encore assurée.

Des partenariats ambitieux et qui donnent de la valeur ajoutée

Amazon a récemment doublé son investissement dans la startup Anthropic, l’un des fleurons de l’IA générative, et propose sur sa plateforme une large gamme de modèles pré-entraînés et de services d’IA. Cette approche s’apparente à celle d’un « marketplace de l’intelligence artificielle » : en fournissant l’infrastructure (puissance de calcul, stockage, outils de déploiement), AWS capitalise sur la diversité des offres IA sans supporter seul l’intégralité des coûts de recherche et développement.

Pour certaines entreprises, la possibilité de choisir différents modèles IA directement via AWS représente un avantage considérable.

Récupérer des parts de marché

Pour plusieurs analystes, Amazon aurait récemment comblé une partie de son retard sur Microsoft Azure et Google Cloud en matière d’IA. D’A. Davidson, par exemple, estime qu’« AWS pourrait connaître moins de décélération que ses concurrents, précisément parce qu’il avait jusqu’ici progressé plus lentement dans l’IA grand public, mais qu’il a désormais amélioré son offre ».

Si la thèse se confirme, Amazon pourrait regagner des parts de marché sur un segment jugé critique pour l’avenir du cloud.

Une valorisation élevée, mais des fondamentaux solides

Sur le plan boursier, Amazon affiche un ratio cours/bénéfices (P/E) à terme d’environ 39, dépassant Microsoft (29) et Alphabet (22,4) selon LSEG. Cette valorisation élevée reflète la confiance des investisseurs dans les perspectives de croissance d’Amazon, tant sur le cloud que sur le commerce en ligne. Toutefois, elle rend la société vulnérable à une baisse soudaine si AWS ou la branche Retail venaient à décevoir.

Une pression accrue sur les dépenses

À l’instar de Microsoft et Google, Amazon prévoit des dépenses en capital conséquentes pour soutenir sa division cloud et son développement dans l’IA. Elle a d’ailleurs annoncé que ses investissements en 2024 pourraient dépasser les 75 milliards de dollars initialement prévus, principalement pour répondre aux besoins des centres de données d’AWS et aux nouvelles stratégies en intelligence artificielle. Les investisseurs surveillent de près l’équilibre entre croissance, rentabilité et dépenses.

Le commerce en ligne, autre pilier de performance

Au-delà du cloud, Amazon demeure avant tout un géant du commerce électronique. Les analystes s’accordent à dire que la période de fin d’année a été favorable à la consommation, comme l’indiquent les bons chiffres de Target et d’autres retailers. Selon Adobe Analytics, les Américains ont dépensé plus de 240 milliards de dollars en ligne entre novembre et décembre 2024, soit une hausse de 8,7 % par rapport à l’année précédente. Cette dynamique devrait profiter aux ventes nord-américaines d’Amazon, anticipées en hausse de 9 % sur un an.

L’offre a été élargie et les délais améliorés

Amazon a multiplié les initiatives pour accélérer ses livraisons (programmes Prime, investissement dans la logistique) et diversifier son catalogue de produits (mode, épicerie, pharmacie, etc.). Ces efforts pourraient accentuer son rebond dans le secteur du retail, où la concurrence ne cesse de s’intensifier. Dans un marché où les marges peuvent se réduire, la fidélité des clients prime plus que jamais, et Amazon s’efforce de la cultiver en innovant sur son service et en proposant des remises conséquentes.

L’importance de la division Retail dans les réactions boursières

Historiquement, les annonces sur la santé du commerce en ligne d’Amazon influencent immédiatement le cours de son action. Lors des deux derniers trimestres, les résultats du secteur Retail ont d’ailleurs porté les réactions boursières à court terme. Pour autant, si le cloud venait à décevoir, la dynamique positive du retail ne suffirait peut-être pas à contrebalancer l’impact négatif sur la capitalisation boursière.

Une attente fébrile autour des chiffres d’AWS

Entre la concurrence féroce sur le cloud et la montée rapide des investissements en IA, Amazon s’apprête à passer un test crucial. Les performances d’AWS, attendues en forte hausse pour le quatrième trimestre, seront scrutées par un marché devenu très sensible aux moindres signaux de ralentissement ou de dépenses excessives. L’équation est complexe : rassurer sur la profitabilité et la capacité d’AWS à innover, tout en démontrant une vision claire de l’avenir de l’intelligence artificielle.

Dans ce contexte, la « faiblesse » de Microsoft Azure et de Google Cloud pourrait paradoxalement jouer en la faveur d’Amazon, en soulignant un éventuel rattrapage technologique et un positionnement plus rentable à court terme. Mais ce scénario positif ne se concrétisera aux yeux des investisseurs que si la firme de Seattle « écrase » les attentes, pour reprendre l’expression d’un gestionnaire de portefeuille. À l’inverse, toute mention d’une capacité limitée ou d’une décélération de la croissance à cause des dépenses d’IA soulèverait aussitôt un doute et ferait chuter le titre.

Parallèlement, le solide pilier du commerce électronique continue d’apporter un soutien essentiel, notamment grâce à une saison de fêtes réussie. La bonne tenue du retail constitue un filet de sécurité, mais la clef réside bien dans la performance du cloud. Alors que l’IA est appelée à redéfinir les contours de la concurrence, Amazon se trouve à la croisée des chemins : poursuivre ses investissements massifs pour rester dans la course, tout en rassurant le marché sur sa capacité à convertir ces efforts en croissance et en bénéfices. Réponse dans les prochains résultats, que le secteur tout entier attend avec impatience.

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