Le modèle français de la chronologie des médias continue sa lente mais profonde mutation. Après Disney+, ce sont désormais Netflix et Prime Video qui pourraient obtenir une nouvelle fenêtre de diffusion, ramenée à 12 mois après la sortie en salle. Une décision qui s’annonce structurante pour l’ensemble du secteur de la vidéo à la demande, et qui interroge aussi bien les équilibres économiques du financement du cinéma que les positions des acteurs historiques, à commencer par CANAL+… mais aussi les distributeurs télécoms comme Free, au cœur de cette redistribution des cartes.
Disney ouvre la voie à un bouleversement profond
La chronologie des médias, souvent décriée pour son opacité, détermine la temporalité à laquelle les différents diffuseurs peuvent exploiter un film après sa sortie au cinéma. En France, cette règle vise à protéger le financement du cinéma en échange d’un accès préférentiel à certains diffuseurs contributeurs.
Disney+ a récemment obtenu une fenêtre à 9 mois, un record pour une plateforme américaine, contre 17 mois auparavant. En échange, le groupe s’est engagé à investir 45 millions d’euros par an dans la production française. Mais cette réduction a fait grincer des dents chez CANAL+, qui, malgré ses 220 millions d’euros d’investissement annuel, ne bénéficie que d’une avance de trois mois sur Disney+, avec une fenêtre à six mois.
Netflix et Prime Video négocient une fenêtre à 12 mois
Dans ce climat de recomposition, la filière du cinéma négocie actuellement un nouvel accord triennal avec le groupe M6, mais également avec Netflix et Prime Video. Ces deux géants du streaming pourraient se voir accorder une fenêtre ramenée à 12 mois, contre 15 mois pour Netflix et 17 pour Prime Video actuellement. Cette évolution semble inéluctable, tant le poids de ces plateformes dans les usages des Français est devenu central.
Quel impact pour Free et ses abonnés ?
Des contenus accessibles plus rapidement via Freebox Ultra et OQEE Ciné
Pour Free, qui mise de plus en plus sur la convergence entre connectivité et contenus, cette reconfiguration a plusieurs implications. La Freebox Ultra et les offres TV de l’opérateur (avec OQEE Ciné, mais aussi l’intégration de Netflix, Prime Video et Disney+ dans certaines formules), s’inscrivent dans une logique de simplification de l’accès aux contenus. Un calendrier de diffusion resserré constitue donc un levier intéressant d’attractivité.
Pour les abonnés Free, cela signifie un accès plus rapide aux blockbusters en streaming, sans devoir patienter un an et demi comme c’était le cas jusqu’ici. La valeur perçue des offres agrégées augmente mécaniquement, surtout face à des concurrents comme Orange ou Bouygues, qui peinent à articuler aussi efficacement télécom et contenus.
Mais cette montée en puissance des plateformes questionne aussi la pertinence des exclusivités. CANAL+, partenaire historique de Free, pourrait perdre une part de son avantage compétitif s’il est mis au même niveau que des acteurs aux investissements moindres. Cela aura probablement pour conséquence de pousser les distributeurs comme Free à redéfinir leurs arbitrages entre partenariats stratégiques et liberté de construction de bouquets à la carte.
Entre modernisation et tension économique
Cette évolution de la chronologie des médias traduit une tension croissante entre logique industrielle et impératifs culturels. D’un côté, le public réclame un accès plus rapide et homogène aux œuvres. De l’autre, les acteurs historiques défendent un modèle de financement basé sur des contributions fortes.
Pour Free et ses abonnés, l’enjeu est clair : proposer une expérience fluide, rapide, cohérente avec les usages modernes du streaming, tout en tenant compte des équilibres économiques du secteur. Reste à savoir si ces ajustements successifs finiront par converger vers une chronologie réellement modernisée… ou si elle continuera de fonctionner par dérogations, dans un flou réglementaire que seuls les mieux armés sauront exploiter.