Le groupe Canal+ est au cœur d’un différend majeur avec l’administration fiscale française concernant des taux de TVA réduits appliqués entre 2016 et 2021. Selon des informations publiées par Les Échos, cette bataille fiscale pourrait coûter jusqu’à 655 millions d’euros à Canal+, une somme réclamée par le fisc en raison de taux de TVA présumés incorrectement appliqués.
Des taux de TVA réduits au cœur de la controverse
Le premier volet de ce litige remonte à la période de 2016 à 2019, durant laquelle Canal+ aurait appliqué des taux super-réduits de TVA de 2,1 % et 5,5 % sur une partie de ses offres. Cette application concerne notamment les abonnements incluant l’accès à Cafeyn, un kiosque numérique de presse. Le groupe avait alors estimé pouvoir bénéficier de ces taux réduits grâce à l’intégration de contenus de presse, qui sont, en France, souvent soumis à une TVA réduite. Cependant, le fisc français conteste cette interprétation et a émis une « proposition de rectification » de 131 millions d’euros, réclamant à Canal+ le paiement de cette somme d’ici la fin de l’année 2024.
Un redressement massif pour les années 2020-2021
Le principal litige porte toutefois sur la période 2020-2021. Durant ces deux années, Canal+ aurait appliqué un taux de TVA de 10 % sur certains de ses services, alors que le fisc estime que le taux standard de 20 % aurait dû être appliqué. Cette différence de taux a généré une « proposition de rectification » bien plus élevée, atteignant 457,8 millions d’euros. Ce montant cumulé représente la part la plus importante du redressement global de 655 millions d’euros qui pourrait être imposé à Canal+.
Une bataille juridique en perspective
Canal+ conteste fermement ces propositions de rectification. Le groupe soutient que l’application d’un taux réduit de TVA était justifiée par son statut de fournisseur de services de télévision, un secteur qui, jusqu’à récemment, bénéficiait de taux de TVA plus avantageux. Dans un prospectus financier, Canal+ précise qu’il estime que les autorités fiscales françaises n’ont pas démontré la légalité d’un changement rétroactif des taux de TVA qui serait applicable aux périodes précédentes. Canal+ remet en question la validité de l’interprétation du fisc et considère que les modifications législatives récentes ne devraient pas affecter les périodes antérieures à leur entrée en vigueur.
Des enjeux financiers et stratégiques
Si le redressement de 655 millions d’euros était confirmé, il représenterait une charge considérable pour Canal+, dans un contexte où le groupe cherche à étendre ses activités et à consolider sa position sur le marché audiovisuel européen et international. En outre, ce litige met en lumière les complexités fiscales auxquelles les entreprises du secteur des médias et de l’audiovisuel doivent faire face, alors que les législations sur la TVA évoluent pour tenir compte de la numérisation des offres et des nouveaux modèles d’abonnement.
Une affaire qui pourrait faire jurisprudence
Ce contentieux entre Canal+ et le fisc pourrait avoir des implications plus larges pour le secteur des médias en France. En effet, l’issue de cette affaire pourrait établir un précédent en matière de fiscalité appliquée aux services numériques et audiovisuels, notamment pour les entreprises qui proposent des contenus diversifiés associant presse et télévision.
Alors que Canal+ s’oppose fermement aux demandes du fisc, cette affaire pourrait se prolonger pendant plusieurs années si elle devait être portée devant les tribunaux, une issue probable si aucun compromis n’est trouvé. En attendant, cette situation complexe met en lumière les défis de la réglementation fiscale dans le secteur de l’audiovisuel et de la presse à l’ère numérique.