Les câbles sous-marins sont l’ossature invisible d’Internet. Transportant plus de 99 % du trafic mondial des données, ils sont le socle des communications numériques internationales. Si les grandes entreprises technologiques, à l’instar de Meta, investissent massivement dans ces infrastructures, la France joue un rôle stratégique majeur dans leur déploiement et leur gestion.
Alors que Meta annonce son ambitieux projet Waterworth, un câble sous-marin de 50 000 km reliant les cinq continents, il est essentiel de rappeler que la France est déjà un acteur clé dans ce domaine, bien avant les initiatives des GAFAM. Son expertise, son maillage de câbles et ses infrastructures font d’elle une véritable plaque tournante du numérique mondial.
La France, leader historique des câbles sous-marins
La position de la France dans l’univers des câbles sous-marins ne doit rien au hasard. Grâce à sa situation géographique privilégiée et à son héritage d’excellence dans les télécommunications, elle est devenue un carrefour incontournable pour l’acheminement des données entre l’Europe, l’Afrique, les Amériques et l’Asie.
La France est en effet reliée à une multitude de câbles transatlantiques et méditerranéens, avec des points d’atterrissage situés à Marseille, Brest, Bordeaux et La Seyne-sur-Mer. Ces infrastructures permettent une connectivité directe entre l’Europe et le reste du monde, ce qui en fait une destination clé pour le transit des données.
Des entreprises françaises comme Orange Marine, filiale du groupe Orange, sont parmi les leaders mondiaux dans l’installation, la maintenance et la réparation des câbles sous-marins. Forts d’une flotte spécialisée, ces experts interviennent partout dans le monde pour assurer la continuité du trafic numérique.
Meta et le projet Waterworth : une mainmise sur les infrastructures numériques ?
Meta a récemment annoncé le déploiement de Waterworth, un câble sous-marin de 50 000 km, soit une longueur supérieure à la circonférence de la Terre. Ce projet vise à relier les États-Unis, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, en ouvrant de nouveaux corridors océaniques encore peu exploités, notamment entre l’Amérique du Sud et l’Afrique.
Si l’objectif affiché est de connecter les zones émergentes et favoriser le développement technologique, cette initiative pose plusieurs questions :
- Quel degré de contrôle les États auront-ils sur cette infrastructure ?
- Meta, acteur privé, peut-il se substituer aux gouvernements dans le déploiement des réseaux de communication internationaux ?
- Quel impact sur la souveraineté numérique de l’Europe et de la France ?
Meta n’en est pas à son coup d’essai. L’entreprise a déjà co-investi dans plus de 20 câbles sous-marins et mise sur une technologie avancée avec 24 paires de fibres optiques (contre 8 à 16 pour d’autres projets classiques).
Le modèle économique est clair : contrôler une part croissante de l’infrastructure numérique mondiale, tout en offrant aux pays émergents des connexions plus rapides et plus stables. Mais à quel prix pour l’indépendance des données ?
Une compétition entre États et GAFAM pour l’infrastructure d’Internet
Le projet de Meta illustre un phénomène plus large : la course à la maîtrise des infrastructures numériques. Si historiquement, les câbles sous-marins étaient majoritairement gérés par des consortiums de télécommunications et des États, les géants du numérique s’imposent aujourd’hui comme des acteurs incontournables.
1° Amazon, Google et Microsoft possèdent déjà plusieurs câbles reliant les États-Unis à l’Europe et à l’Asie.
2 Meta, avec Waterworth, cherche désormais un contrôle encore plus étendu en reliant directement cinq continents.
3° Face à cette privatisation, des initiatives européennes émergent pour protéger la souveraineté numérique.
Les gouvernements sont de plus en plus conscients du risque de dépendance aux GAFAM pour l’infrastructure d’Internet. C’est dans cette optique que l’Europe et la France cherchent à investir davantage dans des infrastructures indépendantes.
Quel avenir pour la France dans cette bataille numérique ?
Alors que les géants américains s’approprient de plus en plus les câbles sous-marins, la France doit renforcer son rôle en tant qu’acteur clé de l’infrastructure numérique mondiale.
Et cela passe notamment par le simple fait de pérenniser l’expertise d’Orange Marine et soutenir les entreprises françaises spécialisées dans les télécoms sous-marins, tout en développant des alliances européennes pour garantir une connectivité indépendante des GAFAM.
Il est également indispensable de multiplier les projets de câbles sous-marins souverains, à l’image de Dunant, le câble reliant la France et les États-Unis, mais en assurant un contrôle public ou mutualisé.
À travers ces stratégies, la France pourrait probablement maintenir son statut de « puissance de l’ombre » des télécommunications sous-marines, tout en sécurisant sa souveraineté numérique.
Le projet Waterworth de Meta s’inscrit donc dans une dynamique globale où les grands acteurs du numérique redessinent l’architecture d’Internet. Si ce type d’initiative offre des opportunités de connectivité inédites, il pose également des questions essentielles sur l’indépendance des États et le contrôle des flux de données.
Dans cette bataille pour les infrastructures numériques, la France possède des atouts majeurs, mais devra renforcer sa politique de déploiement pour préserver son influence face aux ambitions des GAFAM. Entre souveraineté, innovation et compétitivité, l’avenir des câbles sous-marins pourrait bien être l’un des prochains grands enjeux géopolitiques du numérique mondial.