Alors que la transition vers les réseaux mobiles de nouvelle génération s’accélère, l’extinction de la 2G et de la 3G est déjà enclenchée. Orange prévoit de désactiver son réseau 2G d’ici la fin 2025, suivi par Bouygues Telecom et SFR en 2026. La 3G, quant à elle, devrait disparaître progressivement entre 2028 et 2029 pour l’ensemble des opérateurs. Ce calendrier vise à libérer des ressources pour la 4G et surtout la 5G, tout en répondant à des impératifs de sécurité, de maintenance et de performance énergétique.
Mais pour la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), ce processus est loin d’être aussi fluide qu’il n’y paraît. L’instance de concertation alerte sur les risques d’un pilotage insuffisamment préparé, qui pourrait impacter de manière critique certaines infrastructures encore dépendantes de ces technologies dites « historiques ».
Des infrastructures essentielles encore largement concernées
Malgré l’essor de la 4G et de la 5G, la 2G et la 3G demeurent aujourd’hui indispensables pour de nombreuses applications sensibles. La CSNP cite notamment :
- les dispositifs de téléassistance et les objets médicaux connectés utilisés dans les EHPAD ou au domicile des patients ;
- les systèmes d’alarme, les ascenseurs, les capteurs de sécurité dans les bâtiments ;
- les réseaux de transport, pour la gestion du trafic ou la billetterie ;
- les réseaux d’eau et d’assainissement, où des capteurs connectés fonctionnent encore sur ces technologies.
Dans ces contextes, une coupure non anticipée pourrait engendrer des interruptions de service critiques voire des risques pour la sécurité des personnes et des biens. La CSNP demande donc à ce que la migration vers la 4G/5G soit encadrée techniquement, budgétairement et réglementairement.
Une facture potentiellement salée pour les collectivités
L’impact de cette extinction ne se limite pas à la sphère technique. Il est aussi financier, notamment pour les collectivités locales, qui pourraient subir une double peine :
- D’une part, une baisse des recettes issues de l’Ifer mobile (Impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux), qui touche particulièrement les territoires ruraux où les antennes 2G/3G sont encore nombreuses.
- D’autre part, des coûts de migration importants pour remplacer ou adapter des équipements publics fonctionnant avec ces anciennes technologies. À l’échelle nationale, la CSNP évoque des centaines de millions d’euros à prévoir.
Ce que recommande la CSNP
Face à ces constats, la CSNP formule plusieurs recommandations fortes. Elle appelle à une concertation publique structurée, associant l’ensemble des acteurs concernés : opérateurs télécoms, collectivités territoriales, services de l’État, associations professionnelles et autorités de régulation comme l’Arcep ou l’ANFR.
Elle demande également :
- Des tests préalables sur les infrastructures critiques pour identifier les risques ;
- Une communication neutre, claire et nationale pour informer élus, usagers et entreprises ;
- La mise en place d’un suivi opérationnel continu, afin de détecter les anomalies, les pertes de service ou les surcoûts non anticipés.
Ce qu’il faut donc retenir
La CSNP appelle à anticiper dès maintenant l’inventaire des équipements encore connectés aux réseaux 2G/3G, planifierleur remplacement de manière progressive et budgétée, collaborer entre tous les acteurs du numérique et des territoires, et informer avec pédagogie les utilisateurs et les décideurs locaux.
Une transition technique qui doit rester humaine
L’arrêt de la 2G et de la 3G est techniquement justifié, mais il ne saurait être réduit à une simple opération de modernisation. Ce changement soulève des enjeux profonds de continuité de service public, d’égalité d’accès au numérique et de gestion budgétaire locale. Pour la CSNP, c’est une question de méthode et de gouvernance.
Une extinction mal préparée créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Il appartient désormais aux pouvoirs publics de coordonner cette mutation de manière responsable, afin d’éviter que cette révolution silencieuse ne devienne un point de rupture pour les territoires et les citoyens les plus fragiles.