Les critiques se multiplient au Congrès américain contre Elon Musk et sa société SpaceX, soupçonnés de vouloir faire annuler ou reprendre un contrat majeur de la Federal Aviation Administration (FAA) initialement attribué à Verizon. Ce contrat de 2,4 milliards de dollars (échelonné sur 15 ans) vise la mise à niveau des télécommunications du système de contrôle du trafic aérien. Les accusations, portées par plusieurs législateurs, soulèvent la possibilité d’un conflit d’intérêts, compte tenu du rôle de Musk comme conseiller principal de l’ex-président Donald Trump et de sa participation dans Starlink, un acteur rival de Verizon sur le terrain des communications satellitaires.
Un contrat en péril ?
En 2023, la FAA avait annoncé avoir attribué à Verizon un contrat pouvant atteindre 2,4 milliards de dollars, destiné à concevoir, construire et opérer un nouveau système de communication pour la gestion du trafic aérien. Un an plus tard, le Washington Post a semé la panique en rapportant que l’agence fédérale envisagerait de révoquer cet accord au profit de Starlink, la constellation de satellites opérée par SpaceX.
Si la FAA affirme n’avoir pris aucune décision formelle, des sources internes citées par Reuters confirment que le contrat fait l’objet d’une « révision ». Dans le même temps, Elon Musk s’est publiquement attaqué à la fiabilité du système actuel, géré partiellement par L3Harris, tout en insinuant que Verizon mettait en danger la sécurité aérienne américaine. Ces déclarations ont suscité un tollé : Musk a lui-même reconnu, jeudi, avoir faussement accusé Verizon, soulignant le caractère polémique de la situation.
Des sénateurs sur le pied de guerre
Face à ce possible retournement de situation, plusieurs voix du Sénat américain s’élèvent pour dénoncer une ingérence irrégulière. Maria Cantwell, sénatrice et présidente de la commission du Commerce, a exprimé des doutes sérieux :
« Les tweets d’Elon Musk suggèrent qu’il tente d’interférer dans le système de contrôle du trafic aérien. Il semble vouloir annuler le contrat de 2,4 milliards de dollars attribué à la concurrence pour favoriser un accord sans appel d’offres avec Starlink. Cela suscite de vives inquiétudes. »
À ses côtés, les sénateurs Adam Schiff et Tammy Duckworth s’interrogent sur la légalité d’une éventuelle réattribution du contrat à une société détenue par Musk, alors même qu’il occupe (ou a occupé) un poste officiel auprès du gouvernement fédéral. Enfin, le représentant Frank Pallone, figure de proue démocrate au Comité de l’énergie et du commerce, parle tout simplement de « corruption ». Pour tous, la situation exigerait la plus grande transparence, d’autant que la loi fédérale exige une mise en concurrence équitable et un avis public lorsqu’il s’agit de marchés publics de cette envergure.
Le contexte politique et réglementaire
La controverse intervient dans un climat politique déjà marqué par des tensions autour des grands contrats fédéraux. L’exigence de compétitivité et de transparence dans l’attribution des marchés publics est un pilier de la législation américaine : toute tentative de pression ou d’influence indebue risque de déboucher sur des enquêtes parlementaires, voire judiciaires. Maria Cantwell a d’ailleurs rappelé que « la sécurité de l’aviation doit primer sur le gain privé » et qu’il est impératif de clarifier la situation au plus vite.
Pendant ce temps, la FAA, pointée du doigt, opère une délicate réorganisation : 350 employés ont été licenciés au début du mois, dans le cadre d’un plan de réduction de la taille de l’administration (porté par la mystérieuse « équipe DOGE », selon certaines sources). L’agence a toutefois précisé qu’aucun des agents remerciés n’était contrôleur aérien ni personnel critique pour la sécurité.
Starlink gagne-t-elle du terrain ?
Au-delà de la question strictement contractuelle, l’affaire illustre l’appétit grandissant de Starlink pour les projets gouvernementaux. Le réseau satellitaire de SpaceX a récemment enregistré des succès dans des domaines variés : couverture internet dans les zones rurales, soutien logistique en situation d’urgence, tests pilotes pour la défense, etc. Selon la FAA, trois terminaux Starlink sont actuellement en cours d’évaluation dans une installation gouvernementale en Alaska. L’objectif ? Vérifier la capacité de Starlink à fournir des informations météorologiques fiables et un flux de communication stable, critère essentiel pour la gestion du trafic aérien.
Pour SpaceX, cette période de test pourrait servir d’argument solide pour prouver la viabilité de son offre : si les résultats sont concluants, la société gagnerait en légitimité pour revendiquer une part toujours plus large de la modernisation des infrastructures de télécommunication américaines.
Reste à voir si cette évaluation se déroulera à armes égales, ou si, comme le redoutent certains législateurs, des interventions politiques pourraient faire pencher la balance.
Les enjeux de l’avenir
Pour Verizon, l’incertitude est grande. Premier réseau sans fil aux États-Unis, l’opérateur a investi temps et ressources dans cette collaboration avec la FAA, devenue un contrat vitrine pour prouver ses compétences dans la connectivité sécurisée et la mise en place d’infrastructures critiques. De plus, la somme annoncée – jusqu’à 2,4 milliards de dollars – s’inscrit dans la longue durée (jusqu’à 15 ans), assurant un flux financier et un partenariat stratégique.
Du côté de Musk, la dynamique est plus risquée. S’il parvient à faire basculer le contrat vers Starlink, SpaceX conforterait sa position d’acteur incontournable dans la connectivité aérienne et spatiale. Mais cette tentative – réelle ou supposée – d’influencer la FAA pourrait ternir l’image de l’entrepreneur, déjà sous le feu des critiques pour ses interventions sur les réseaux sociaux et son rôle auprès de l’ex-président Trump. Toute procédure de réattribution non conforme à la législation fédérale encourrait inévitablement des contestations, voire des recours judiciaires, retardant encore la modernisation d’un système jugé essentiel pour la sécurité aérienne américaine.
Une bataille juridique et politique en vue
Qu’il s’agisse d’une manœuvre avérée ou d’un simple emballement médiatique, l’histoire de ce contrat FAA s’annonce comme un véritable bras de fer entre Musk, Verizon et la classe politique américaine. Les questions soulevées vont bien au-delà de l’attribution d’un marché public : elles touchent à la transparence des institutions, à la séparation des intérêts privés et publics, et à la responsabilité des géants technologiques lorsqu’ils ambitionnent de devenir partenaires stratégiques de l’État.
Pour l’heure, la FAA se contente de confirmer qu’une « révision » du contrat est en cours, sans calendrier ni précision sur l’issue. L’opérateur Verizon insiste pour sa part sur la sécurisation de son partenariat. Du côté du Congrès, la pression monte : les sénateurs demandent des clarifications immédiates pour garantir que la sécurité de l’aviation demeure la priorité absolue – sans favoritisme ni arrangement en coulisses. Dans l’intervalle, l’incertitude plane, au sens propre comme au figuré, sur la modernisation du trafic aérien américain.
Un commentaire
« comme conseiller principal de l’ex-président Donald Trump » pourquoi parler de l’ex-président ? Malheureusement, il l’est toujours…