Les collectivités locales et plusieurs groupements d’élus interpellent une fois de plus les acteurs des télécoms et l’Arcep au sujet du déploiement de la fibre optique. De leur point de vue, certains ajustements législatifs et opérationnels sont indispensables pour atteindre une couverture exhaustive et équitable, y compris dans les zones plus difficiles d’accès. À la suite d’une consultation publique initiée par l’Arcep, différentes structures (AMF, Avicca, Départements de France, FNCCR, France Urbaine, les Interconnectés ou encore Villes Internet) ont rendu leurs conclusions. Elles évoquent notamment la problématique des locaux dits “raccordables sur demande”, la question des immeubles neufs et la fiabilité des bases de données servant à mesurer la complétude du réseau.
Défis liés aux locaux “raccordables sur demande”
De nombreuses collectivités rapportent des cas où des habitations ou locaux professionnels, considérés comme techniquement éligibles à la fibre, ne bénéficient pas de solutions concrètes de branchement. L’absence de plan d’action de la part des opérateurs crée alors une illusion : un logement est présenté comme éligible aux yeux du grand public, mais personne ne se charge effectivement de le raccorder.
Pour remédier à cette situation, certaines associations suggèrent d’instaurer un mécanisme de « déclassement automatique ». Autrement dit, si aucun opérateur ne propose de mise en service dans un délai de trois mois, le local passerait en statut “non raccordable”. Ainsi, les foyers concernés ne seraient plus tenus à l’écart d’éventuelles aides ou de solutions alternatives. Cette mesure aurait pour effet de rendre les cartes de couverture plus fidèles à la réalité du terrain et d’obliger les acteurs à intervenir dans des délais plus raisonnables.
Immeubles neufs : coûts élevés et obstacles techniques
Le raccordement des nouveaux immeubles constitue également un point de crispation. Certaines zones, par exemple dans de grands projets immobiliers ou des écoquartiers, rencontrent des surcoûts liés à la fourniture des données de localisation des points d’accès réseau (PAR). Là où certaines collectivités mettent ces informations à disposition gratuitement via de l’open data, certains opérateurs seraient enclins à facturer des sommes dépassant les 600 euros pour des prestations similaires.
Au-delà de l’aspect financier, il est aussi question de clarifier qui est responsable des travaux de génie civil : la collectivité, le promoteur ou l’opérateur ? Une répartition limpide de ces tâches devrait, selon les élus, accélérer la mise en service de la fibre dans des bâtiments neufs et éviter que les futurs résidents ne se retrouvent contraints d’attendre un raccordement tardif et coûteux.
Défaillances dans les données de couverture
Un autre reproche majeur concerne les fichiers d’éligibilité fournis par les opérateurs. L’Inventaire des Prises Éligibles (IPE), censé recenser l’ensemble des locaux raccordables ou déjà desservis, présenterait des oublis et des inexactitudes dans plusieurs territoires. À Lyon ou à La Réunion, des divergences importantes apparaissent entre les informations fournies par les opérateurs et la réalité constatée sur le cadastre ou dans des bases de données locales.
Ces écarts posent problème à l’approche de la fermeture du réseau cuivre, dans la mesure où des foyers non documentés pourraient se retrouver privés d’internet si la bascule vers la fibre était actée trop tôt. Pour pallier ces lacunes, les associations préconisent d’impliquer davantage les collectivités dans la démarche de contrôle et d’actualisation de ces bases, notamment via l’utilisation de référentiels publics comme la Base Adresse Nationale (BAN).
Vers un service universel de la fibre ?
La fibre optique est en passe de devenir l’infrastructure de référence pour des usages numériques en constante évolution. Toutefois, l’enjeu est de garantir que chaque foyer, quelle que soit sa localisation ou sa typologie, puisse y accéder dans des conditions décentes.
Pour y parvenir, plusieurs élus demandent la mise en place d’un service universel adapté aux infrastructures FttH. L’idée est d’encadrer davantage la tarification (installation, câblage, maintenance) et de contraindre les opérateurs à apporter une réponse rapide au moment du raccordement final. L’objectif ultime reste de réduire la fracture numérique en veillant à ce que les territoires reculés ou défavorisés ne soient pas les éternels laissés-pour-compte.
Une coopération renforcée pour une couverture efficace
Les associations de collectivités et d’élus insistent enfin sur la nécessité d’une coopération étroite entre les opérateurs, les pouvoirs publics et le régulateur. Seule une action coordonnée permettra de dépasser l’approche purement statistique (fondée sur des fiches d’éligibilité parfois trompeuses) et de résoudre concrètement les problèmes rencontrés sur le terrain.
Dans cette optique, un suivi rigoureux, des objectifs de déploiement précis et un engagement ferme des opérateurs s’avèrent indispensables pour que la fibre puisse bénéficier à tous. Si rien n’est fait pour renforcer la régulation et la transparence, le risque demeure que certaines zones, perçues comme moins rentables, continuent d’accumuler des retards, au mépris des ambitions d’aménagement numérique équitable.