Le marché du cloud connaît une forte dynamique de croissance, marquée par des chiffres impressionnants pour les géants du secteur, mais cette accélération s’accompagne aussi de questions stratégiques. En effet, Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud, les trois principaux acteurs mondiaux du cloud, ont dévoilé leurs résultats financiers pour le troisième trimestre 2024, révélant des augmentations de revenus significatives. Cependant, des investissements de plus en plus colossaux dans les infrastructures pour l’intelligence artificielle (IA) font craindre aux investisseurs un impact sur la rentabilité à moyen terme.
Des résultats en forte progression
Les performances des trois géants du cloud montrent une croissance nette dans un marché en pleine expansion. AWS, leader du secteur, affiche un chiffre d’affaires en hausse de 19 % par rapport à l’année précédente, atteignant 27,5 milliards de dollars. Microsoft, via sa division Intelligent Cloud, enregistre une augmentation de 20 % de son chiffre d’affaires, qui se chiffre à 24,1 milliards de dollars. Google Cloud, pour sa part, réalise la plus forte progression, avec une croissance de 35 % pour atteindre 11,4 milliards de dollars.
Au total, le chiffre d’affaires cumulé des trois leaders atteint 63 milliards de dollars pour le trimestre, signe de la vigueur persistante du secteur. Selon Synergy Research Group, les dépenses des entreprises en services d’infrastructure cloud dans le monde ont atteint 84 milliards de dollars au troisième trimestre 2024, marquant une progression de 23 % sur un an. Cette accélération du marché intervient après un ralentissement observé ces dernières années : la croissance annuelle, qui dépassait les 35 % au troisième trimestre 2021, avait chuté sous les 20 % deux ans plus tard. Depuis quatre trimestres, cette tendance semble désormais inversée.
Part de marché et rentabilité : un équilibre fragile
Malgré leur domination, la part de marché de ces géants connaît des fluctuations. AWS reste en tête avec une part de 31 %, bien qu’en légère baisse par rapport à l’année précédente (32 %). Microsoft, quant à lui, voit sa part diminuer de 23 % à 20 %, tandis que Google Cloud progresse de deux points, passant de 11 % à 13 %. Ensemble, ces trois acteurs représentent 64 % des revenus du marché du cloud, contre 66 % un an plus tôt, ce qui traduit une diversification progressive de l’offre de services d’infrastructure cloud.
Côté rentabilité, les trois entreprises ont également affiché des progrès notables. Microsoft domine avec un bénéfice d’exploitation de 10,5 milliards de dollars pour sa division cloud, soit une hausse de 18 % sur un an. AWS n’est pas en reste, avec un bénéfice d’exploitation de 10,4 milliards de dollars, marquant une augmentation impressionnante de 48 %. Google Cloud, souvent perçu comme un outsider en termes de rentabilité, a également montré des améliorations significatives : son bénéfice d’exploitation s’établit désormais à 1,9 milliard de dollars, contre 266 millions un an plus tôt. Ces chiffres confirment une rentabilité croissante, mais les investissements requis pour maintenir cette dynamique posent question.
L’IA, moteur de croissance… et d’inquiétude
Cette croissance s’accompagne d’une explosion des dépenses en infrastructures, en grande partie pour soutenir l’essor de l’intelligence artificielle. Les besoins en puissance de calcul et en stockage des modèles d’IA poussent ces entreprises à multiplier les investissements. La maison mère d’AWS, Amazon, prévoit ainsi 75 milliards de dollars de dépenses d’investissement pour 2024, un montant qui pourrait encore augmenter en 2025. En 2023, Amazon avait déjà investi 48 milliards de dollars, ce qui montre l’ampleur de cette montée en puissance.
Microsoft a également annoncé une hausse de 5,3 % de ses dépenses d’investissement, atteignant 20 milliards de dollars pour le trimestre fiscal, et prévoit une augmentation encore plus marquée pour les mois à venir. Alphabet, la société mère de Google, prévoit elle aussi une augmentation substantielle de son budget d’investissement en 2025 pour soutenir ses projets IA.
Une réaction mitigée des investisseurs
Malgré ces résultats financiers impressionnants, les investisseurs expriment leurs inquiétudes quant à la rentabilité future de ces investissements massifs. La réaction des marchés a été particulièrement révélatrice : l’action de Microsoft a chuté de 6 % malgré des bénéfices supérieurs aux attentes. Cette baisse reflète une fébrilité croissante sur Wall Street, où les analystes craignent que les lourds investissements en IA et en infrastructures cloud puissent exercer une pression sur les marges et mettre en péril le retour sur investissement à moyen terme.
Pour les géants du cloud, l’enjeu est de maintenir la rentabilité tout en répondant aux exigences croissantes de leurs clients en matière de capacités de traitement pour l’IA. Bien que ces investissements soient perçus comme essentiels pour rester compétitifs dans un secteur en rapide évolution, ils pourraient, à terme, devenir un facteur limitant de la rentabilité. La balance entre croissance et rentabilité reste ainsi un défi majeur pour le secteur, et les mois à venir seront déterminants pour voir si cette course effrénée aux investissements dans l’IA sera réellement payante.