Plus d’un an après l’arrestation d’Armando Pereira, ancien bras droit de Patrick Drahi chez Altice, l’affaire de corruption qui secoue le groupe télécoms continue de faire des vagues. Accusé de « blanchiment, corruption et fraude fiscale », Pereira aurait favorisé certains fournisseurs en échange de rémunérations occultes et d’avantages en nature. Cette affaire a notamment mené SFR à rompre ses contrats avec plusieurs prestataires jugés suspects, dont JSC France, mais ce dernier a riposté en contestant cette rupture devant la justice.
D’après L’Informé, SFR vient de conclure un accord avec JSC France, après que le tribunal de commerce de Nanterre a homologué un protocole transactionnel, ordonnant à l’opérateur de régler 15 millions d’euros à son ancien prestataire. Ce montant met fin à une série de contentieux sur des travaux impayés qui auraient pu se prolonger en un interminable procès.
Des relations troubles entre SFR et JSC France
L’affaire Pereira met en lumière des pratiques surprenantes au sein du groupe Altice. En 2019, SFR confiait à JSC France la gestion de son réseau mobile et fibre, ainsi que la maintenance des équipements, notamment l’installation de la 5G avec des équipements Huawei. Toutefois, malgré ses 64 employés, JSC France jouait essentiellement un rôle d’intermédiaire, sous-traitant la majorité des travaux à d’autres entreprises, dont certaines appartenant elles-mêmes à Altice, comme Rhôn’Telecom.
Le tribunal de commerce de Paris a dénoncé le laxisme dans la gestion des contrats entre SFR et JSC France, pointant un manque flagrant de rigueur documentaire. JSC France avait obtenu des conditions particulièrement avantageuses, pouvant librement facturer des prestations sans contrôle contradictoire, et avait reçu 22 millions d’euros de matériel sans suivi d’inventaire rigoureux. Ces privilèges étaient, selon l’enquête, dus à des liens entre JSC France et des complices présumés d’Armando Pereira.
Des alertes ignorées en interne
Malgré les alertes répétées des représentants du personnel dès 2018, concernant les relations étroites entre SFR et JSC France, la direction de SFR n’a pas réagi. Des syndicalistes ont demandé des explications sur la raison pour laquelle SFR passait systématiquement par cet intermédiaire, mais les réponses reçues étaient floues, nourrissant davantage les soupçons.
En 2021, un rapport commandé par le comité d’entreprise de SFR a révélé des dysfonctionnements graves dans la gestion des sous-traitants, notamment en ce qui concerne la sécurité sur les chantiers. Ces dysfonctionnements se sont poursuivis jusqu’à l’arrestation de Pereira en 2023, moment où SFR a enfin coupé les ponts avec plusieurs prestataires, dont JSC France et Edge Technology, un autre fournisseur impliqué.
Un dénouement partiel, mais coûteux
Après la rupture de ses contrats en septembre 2023, JSC France, privé de son principal client, a déposé le bilan. Les sous-traitants de deuxième rang, n’étant plus payés, se sont également retournés contre SFR pour réclamer leur dû. C’est dans ce contexte que JSC France a engagé une procédure judiciaire contre SFR pour obtenir le paiement de 2,6 millions d’euros de factures impayées. Malgré les tentatives de SFR de justifier des retards de paiement par des pénalités et autres frais divers, le tribunal a jugé ces justifications insuffisantes.
Finalement, le tribunal a ordonné à SFR de régler une partie des montants réclamés, avant que l’opérateur ne décide de négocier un règlement global de 15 millions d’euros avec JSC France. Si cette somme permet de clore l’affaire avec JSC France, SFR pourra toutefois déduire les montants versés aux sous-traitants et récupérer les 22 millions d’euros de matériel encore en possession de son ancien prestataire.
Contacté par L’Informé, SFR n’a pas souhaité commenter cette affaire.
Source l’Informé