Le réseau social X (anciennement Twitter), dirigé par Elon Musk, a remporté une victoire judiciaire mercredi en obtenant le blocage partiel d’une loi californienne, qui imposait aux réseaux sociaux de rendre publiques leurs politiques de lutte contre la désinformation, le harcèlement, les discours de haine et l’extrémisme.
Un panel de trois juges de la Cour d’appel pour le 9e circuit à San Francisco, la plus importante juridiction fédérale en terme de taille, a annulé une décision précédente rendue par une juridiction du 1er degré, qui avait refusé de suspendre l’application de cette législation. La loi en question exigeait des réseaux sociaux qu’elles publient des rapports détaillant leurs pratiques de modération de contenu et fournissent des données sur le traitement des messages jugés répréhensibles.
X, qui a engagé une instance à l’encontre de cette loi l’année dernière, a soutenu que cette réglementation violait la protection de la liberté d’expression garantie par le Premier Amendement de la Constitution américaine. Les avocats de la société n’ont pas immédiatement réagi à cette décision, tout comme le bureau du procureur général de Californie, qui défendait le texte.
Il faut bien évidemment restituer cette affaire dans un contexte juridique plus global, soulignant les efforts de certains États américains pour réguler les pratiques des réseaux sociaux, X en tête de liste. En mai, la Cour Suprême des États-Unis a demandé aux juridictions de 1er degré de réexaminer des lois similaires sur la modération de contenu au Texas et en Floride, lesquelles soulèvent également des préoccupations relatives au Premier Amendement.
Dans le cas de la loi californienne, le juge de district William Shubb avait initialement refusé de bloquer la loi au mois de décembre 2023, arguant qu’elle n’était ni « injustifiée » ni « excessivement contraignante » au regard des protections constitutionnelles. Cependant, la Cour d’Appel saisie du recours, a estimé que les exigences de la loi allaient « au-delà de ce qui est nécessaire » pour atteindre l’objectif de transparence incombant à l’État concernant la modération de contenu. La Cour a également renvoyé l’affaire à une autre juridiction de 1er degré, pour examiner si les dispositions relatives à la modération de contenu pouvaient être séparées des autres obligations de la loi.
D’un point de vue juridique, quelles incidences ?
Cette décision soulève d’importantes questions sur l’équilibre à trouver entre la transparence des pratiques des plateformes de réseaux sociaux et la protection de la liberté d’expression. D’un côté, l’État de Californie souhaite accroître la responsabilité des grandes entreprises technologiques en forçant la publication de leurs politiques de modération, un enjeu qui est devenu majeur, à une époque où la désinformation et les discours de haine prolifèrent en ligne, on l’a plus particulièrement vu cette semaine pour X mais également avec la mise en examen de Pavel Durov qui répond plus ou moins aux mêmes exigence, malgré quelques différences de fond et de forme au niveau de la procédure poursuivie à son encontre.
De l’autre, la Constitution américaine, à travers le Premier Amendement, garantit une liberté d’expression optimale, y compris pour les entreprises, et protège contre des obligations jugées trop intrusives ou disproportionnées. Même si le principe est de moins en moins appliqué, ce qui est le cas par exemple dans le cadre de l’instance actuellement en cours, en Californie là aussi, à l’encontre de TikTok.
La décision de la Cour d’appel reflète une approche pragmatique, en reconnaissant les préoccupations légitimes des autorités tout en soulignant la nécessité de limiter les atteintes à la liberté d’expression. En bloquant partiellement la loi, les juges semblent indiquer que toute mesure réglementaire visant les réseaux sociaux DOIT être proportionnée et mesurée, ne dépassant pas ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs législatifs.
Dans ce cadre là, la prochaine étape sera déterminante : si la juridiction de 1er degré décide de procéder à un découpage de la loi en sections distinctes, il pourrait maintenir certaines obligations tout en écartant celles qui touchent à la modération de contenu, un sujet particulièrement sensible pour les entreprises technologiques et ce depuis de très nombreuses années. L’enjeu est de taille, car cette affaire, tout comme celles du Texas et de la Floride intéressant X, pourrait créer un précédent juridique ayant des répercussions sur la manière dont les plateformes numériques seront réglementées à l’avenir.