C’est une décision importante qui vient d’être rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne et qui vient donner un sens à une directive européenne encadrant le commerce électronique, promulguée en 2000 comme aux dispositions locales prises par ses Etats membres dans le même cadre.
C’est ce qu’a relayé l’AFP vers midi sur son compte Twitter.
Les faits.
Une députée écologiste autrichienne, Eva Glawischnig-Piesczek, avait en 2016, fait l’objet d’invectives de la part d’un utilisateur sur Facebook au sujet des prises de position du Parti Vert qu’elle ne représentait de surcroît pas, en faveur des réfugiés.
L’élue soulevait le caractère particulièrement injurieux des propos tenus à son égard, qui « pouvaient être consultés par chaque utilisateur de Facebook », mettant en avant le caractère public de leur diffusion et considérant les faits comme une atteinte à son honneur.
Le lien diffusé dans le fil de discussion renvoyait vers la photo de l’élue, mais surtout se trouvait assorti de commentaires peu élogieux, qui n’ont pas eu le goût de cette dernière.
Demande était formulée auprès de Facebook, en sa qualité d’hébergeur, de jouer un rôle de modération en supprimant les propos litigieux.
Facebook avait dès lors refusé de se plier à la demande, entraînant par voie de conséquence la saisine des juridictions autrichiennes.
En droit.
La Cour Suprême, dernière juridiction nationale à connaître de l’instance, interrogeait la CJUE, qui, quant à elle, devait s’en tenir aux recommandations faites par l’avocat général, quant à l’interprétation de l’article 15 de la Directive européenne de 2000 relative au commerce électronique.
Cet article, certes prohibe l’idée d’une surveillance généralisée des contenus diffusés, mais pose le principe d’une modération dépassant le cadre géographique si cette dernière est encadrée dans le temps et limitée dans son objet.
En d’autres termes, chaque tribunal d’un pays membre de l’UE doit avoir la capacité d’ « enjoindre un hébergeur de supprimer » du contenu ou des informations reproduisant ce qui a été « déclaré illicite précédemment » et Facebook est donc susceptible d’être contraint à modérer à échelle mondiale, l’ensemble des commentaires ou publications emportant un caractère injurieux ou diffamatoire par ces juridictions.
Facebook s’est insurgé contre cette décision, qui d’après le réseau social « sape le principe de longue date selon lequel un pays n’a pas le droit d’imposer à un autre sa législation sur la liberté d’expression » selon des propos diffusés par l’AFP, précisant dans le même temps que la décision ne saurait être applicable si les juridictions nationales n’établissaient pas des « définitions très claires » de son champ d’application.
« Ce jugement soulève des questions cruciales concernant la liberté d’expression et le rôle que les entreprises de l’Internet devraient jouer dans la surveillance, l’interprétation et la suppression des propos qui pourraient être illégaux dans un pays donné » critique de son côté le réseau social.
Cette décision s’inscrit, par exemple, en contrepoint des dispositions de la LCEN en France, applicables depuis l’année 2004 et on pourrait relever son caractère tardif ou un défaut de novation par rapport au texte.
Sauf que la LCEN n’a qu’une dimension nationale et, dans un espace dématérialisé, la directive pose le principe dans son article 14, du pays d’origine, ce qui signifie que, à l’intérieur du territoire de l’Union européenne, le droit applicable est celui du pays dans lequel est établi le prestataire de service.
Au cœur du débat, surtout une question de moyens pour Facebook, qui devra multiplier les efforts pour développer et investir dans sa modération.
Eva Glawischnig-Piesczek s’est quant à elle estimée satisfaite de la décision rendue, qui pose selon ses propres termes un « jalon » « dans le combat contre la haine sur la toile ».
Source : AFP.