La fibre, chez Free, c’est un serpent de mer, une longue histoire pleine d’espoirs déçus… mais aussi, de plus en plus, une réalité. Free a annoncé aujourd’hui 3 nouveaux NRO supplémentaires, l’occasion pour nous de faire un état des lieux du déploiement…
- Zones très denses
Les zones très denses représentent 106 communes choisies par l’ARCEP, comptant pour un total de 5,5 millions de logements. Ce sont les plus grandes de France : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Toulouse… sont ainsi concernées.
Logiquement, ce sont les communes que Free a déployées en premier dès le début de son projet en 2006. Free y a donc placé l’essentiel de ses 230 NROs (pour Nœuds de Raccordement Optique); à ce jour, 130 sont ouverts avec des abonnés raccordés. Toutefois, certaines villes telles qu’Aix-en-Provence, déployée par Free, ont changé de statut avec le temps et sont devenues des zones moins denses.
Free annonce que l’ensemble de ces 230 NROs ont une zone de couverture rassemblant environ 3,4 millions de logements. Là aussi, l’opérateur cible tout d’abord les immeubles faciles à raccorder, permettant de gagner rapidement des abonnés : notamment ceux déjà fibrés par un autre opérateur FTTH (Orange, SFR), surtout s’ils sont de taille importante (plus de 12 logements, dans les catégories définies par l’ARCEP).
Après des mois (années ?) de léthargie, les témoignages de reprise du déploiement se sont multipliés depuis l’an dernier, et semblent porter peu à peu leurs fruits : ainsi, des NRO éteints commencent à pointer le bout de leur nez depuis quelques semaines, et ce sont ainsi pas moins de 3 nouveaux NRO (ABB75, THE75, POI75) qui ont été annoncés aujourd’hui par Free à Paris, sur un total de 64 NROs recensés, dont 56 actifs, avec des abonnés. Ces derniers jours, 2 autres NROs ont également été déclarés. Attention toutefois à ne pas espérer de raccordement trop rapide : si certains NROs ont ainsi été rapidement ouverts après leur annonce, d’autres ont mis plusieurs mois à accueillir leurs premiers freenautes… accueillant parfois quelques antennes 4G temporairement le temps de finir les travaux.
Résultat : les raccordements progressent, même si Free reste très loin du rythme d’Orange (qui couvre, il est vrai, nettement plus de communes en France). Free aurait dépassé ce mois-ci 150 000 abonnés FTTH, selon les estimations de francois04, dont 56 000 abonnés sur les 10 premiers mois de l’année 2015… le reste ayant été relié de 2007 à 2014. Et cette hausse ne se dément pas, puisque ce mois-ci, ce devraient être plus de 8000 nouveaux fibrés que Free devrait engranger. A comparer avec les 700 à 900 000 abonnés fibre que Free vise d’obtenir dans les zones couvertes sur les 230 NROs en cours de déploiement : il reste donc du travail et Free devra aller toujours plus loin, toujours plus vite ! Dans Paris intra-muros, où le déploiement est le plus avancé, Free a ainsi converti un quart de ses abonnés à la fibre… ce qui laisse plus de 250 000 abonnés ADSL à raccorder en fibre, afin de leur proposer d’une part le confort d’usage de la fibre, mais aussi rentabiliser le réseau et ne plus payer de frais de location à Orange pour les lignes DSL : Free annonce ainsi une rentabilité nettement améliorée, de 55% de marge brute à plus de 80% dans les zones couvertes en propre à terme.
- Zones moins denses
En 2011, Free signait avec Orange un accord de cofinancement, en compagnie de SFR et Bouygues Telecom. Concrètement, cet accord laisse Orange déployer le réseau, et les autres opérateurs financent une partie du déploiement en fonction du nombre d’abonnés qu’ils auront dans les zones.
Free a choisi de financer une 59 agglomérations, dont les communes deviendront donc éligibles à la fibre au fur et à mesure du déploiement d’Orange, qui sera terminé en 2020. D’ici 2020, 5 millions de logements devraient être couverts, sur un total de 27,7 millions en zone moins dense.
A l’occasion de la présentation de ses résultats semestriels début septembre dernier, Free annonçait que 700 000 prises étaient éligibles à ce jour. Pour l’instant, Free ne les a pas encore commercialisées, mais l’opérateur n’hésite pas à « teaser » sur le sujet depuis le lancement de la Freebox Mini 4K en mars dernier, non sans un certain excès d’optimisme.
Que se passera-t-il pour les quelques 23 millions d’abonnés lésés ?
- Pour une partie d’entre eux, ils ne seront pas couverts par la fibre optique avant longtemps, et leur montée en débit se fait via l’amélioration du réseau cuivre. C’est ainsi que Free a dégroupé plusieurs centaines de NRA « rapprochés de l’abonné », qui sont apparus dans de nombreuses rurales et apportent le VDSL aux abonnés, au moins dans un premier temps.Free déclarait ainsi avoir environ 700 000 abonnés très haut débit à la fin du premier trimestre 2015 : outre les abonnés FTTH, c’étaient ainsi près de 10% des abonnés Free qui disposaient d’un débit supérieur à 30 Mbits/s en VDSL.
- Pour d’autres, ils seront reliés par SFR en FTTH : l’opérateur, accusé de laisser tomber le déploiement de la fibre, est en pleine restructuration et ne semble pas avoir perdu de vue la technologie pour relier des abonnés en très haut débit là où son réseau câble historique n’existe pas, et a encore insisté lors de la présentation des résultats ce matin sur une reprise prochaine et massive de ces déploiements. Pour l’instant, Free n’a pas d’accord de cofinancement pour ces communes, contrairement à Orange. Pourtant, des villes telles qu’Argenteuil sont concernées par un déploiement exclusivement SFR, sur lequel Free n’a donc pas vocation à venir en fibre (pour l’instant).
- Enfin, pour d’autres, ils seront reliés par l’un des nombreux réseaux publics qui fleurissent d’un département à l’autre. Pour l’instant, Free a surtout montré son attentisme pour ce sujet, attendant que les conditions techniques de déploiement soient uniformisées : il souhaite ainsi pouvoir gérer simplement les relations avec les différents opérateurs et limiter les spécificités locales. Le dossier suit son cours auprès de l’ARCEP, qui souhaitera sans aucun doute éviter les déboires de certains opérateurs locaux, forcés par Orange à standardiser leurs infrastructures déjà déployées… non sans d’importants frais !
Plusieurs points restent en suspens sur cette offre, notamment d’un point de vue technique : Free utilisera-t-il toujours le P2P adopté et vanté comme un choix d’avenir en 2006, ou choisira-t-il une technologie plus conventionnelle, mais adoptée par la plupart des opérateurs FTTH partout dans le monde, le GPON ou l’une de ses variantes « point-à-multipoints », facilitant le déploiement ? Pour l’instant, les paris restent ouverts !
- Quid des délais de raccordement ?
Nous vous en parlions en juillet dernier : Free a publié à la fin du premier trimestre les indicateurs de sa qualité de service fixe, et les résultats, conformément aux remontées des freenautes sur les fora, se sont révélés plutôt médiocres, avec un délai de raccordement très important : pas moins de 135 jours (près de 4 mois et demi) pour nécessaires pour relier 95% des abonnés fibre, c’est tout simplement énorme, près de 3 fois le délai d’Orange pour fibrer la même proportion de ses propres abonnés… autrement plus nombreux ! De même, pour relier la moitié de ses abonnés, Free mettait alors 27 jours, contre 11 chez son concurrent à l’agrume.
Si l’évolution est positive au second trimestre, avec respectivement 24 et 120 jours, il reste encore du travail, tant sur le raccordement (problèmes de mutualisation, raccordement au NRO lent…), que sur le service après-vente, qui apparaît encore souvent lent (le délai de rétablissement de 95% des incidents est de 3 semaines tout rond au second semestre, ce qui est plus long que l’ADSL !)… et surtout peu loquace sur les étapes du suivi, contrairement au SAV des abonnés xDSL, qui a énormément progressé sur ce point (suivi d’incident, communication à l’abonné). Certains abonnés se souviendront amèrement des promesses d’un SAV maison, donc bien meilleur que celui d’Orange, faites en 2006 lors du lancement du projet.
Toutefois, Free avoue sans peine travailler sur ce sujet délicat, nous expliquant, en juin dernier, quelles difficultés il représentait, notamment parce que la fibre recouvre une multitude de cas particuliers. Parions que Free saura s’améliorer, l’indulgence des abonnés face aux errements d’une offre en construction n’étant pas la même qu’à son lancement, il y a bientôt 15 ans !
Sources : les communiqués d’Iliad, les rapports de qualité de service fixe de l’ARCEP, Dossier sur le FTTH par l’ARCEP, la très complète visite de NRO de Paris par Lafibre.info, et la carte non-officielle des NRO de Free par Optrolight.