Pour la France, Xavier
Les ennemis d’hier se retrouvent parfois rassemblés autour d’une même cause, lorsqu’ils y trouvent tous deux leur compte. C’est ainsi que lors de la conférence de présentation de ses résultats annuels 2013, Xavier Niel a pris parti en faveur de Bouygues sur le sujet du rachat de SFR…
Le charismatique fondateur de Free, dont on sait qu’il n’entretient pas franchement une grande amitié avec Martin Bouygues, a défendu le projet de rachat de SFR par le groupe Bouygues. Pour lui, il s’agit du choix « le plus favorable, pour le consommateur, pour le marché et pour la France ».
Il n’hésite d’ailleurs pas à tirer à boulets rouges sur l’offre concurrente émise par le groupe Altice (Numericable) : « si c’est Altice qui rachète SFR, il n’y aura plus que deux investisseurs dans la fibre optique en France, Orange et nous. Ce sera un monde parfait pour Iliad mais exécrable pour le consommateur et pour la France ». Le câblo-opérateur est accusé de n’avoir eu « aucun impact sur le marché », et de mettre en valeur des technologies obsolètes : « le câble c’est du “Canada Dry” de FTTH », ironise Xavier Niel.
Ce soutien franc et spontané adressé à Bouygues ne devrait pas vraiment être surprenant pour quiconque ayant suivi l’actualité des télécoms ces derniers jours : en effet, Free va pouvoir racheter totalement le réseau mobile de Bouygues Telecom, incluant un portefeuille de fréquences, mais… l’opération ne sera validée que si Bouygues parvient à racheter SFR. En défendant en apparence les intérêts de Bouygues, les emplois et l’économie made in France, Free prêche bien pour sa paroisse.
Par-dessus tout, le discours adopté lors de la conférence a tenté de répondre aux inquiétudes des instances politiques en place. Xavier Niel fait ainsi vibrer la corde du patriotisme économique : « dans le scénario Bouygues, on gardera des acteurs français qui paient leurs impôts en France et ont leur siège en France », lance-t-il, faisant allusion au groupe Altice domicilié au Luxembourg, tirant ses revenus de nombreux pays différents et dont le fondateur, Patrick Drahi, réside en Suisse. Xavier Niel encense la politique de l’emploi de ses deux rivaux SFR et Bouygues, qu’il accusait pourtant il y a peu de procéder à des « licenciements boursiers » — et tâche de rassurer sur sa volonté de continuer à mener la guerre des prix, face aux craintes de certaines associations.
Les idées affichées ont de quoi séduire le gouvernement, dont Arnaud Montebourg, défenseur reconnu du patriotisme économique, est déjà favorable à la candidature de Bouygues. Free ne s’en cache d’ailleurs pas vraiment : « il y a une dimension nationale dans notre projet qui correspond à la politique du gouvernement », reconnaîtra d’ailleurs Maxime Lombardini, DG d’Iliad lors de la conférence.
Source : La Tribune